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Mon Cher Papa,

Cette lettre que je ne posterai pas, je l’adresse bien plus à cette image du père idéal enfouie au fond de ma déception  et  à laquelle ton égoïsme n’a jamais su donner vie. Et oui, comme Anne Franck a imaginé Kitty, je t’ai inventé, je t’ai engendré même, car tu m’es nécessaire et, en te disant cela je te donne la plus belle preuve d’amour que tu ne mérites pas, quand bien même tu es le fruit de mes rêves…

En vérité, j’ai plus à te dire qu’à t’écouter.

 Tout comme des centaines, voire des milliers d’autres Juifs, je suis aujourd’hui dans l’inconfort prévisible qui m’obligera sous peu à faire un choix. Rester Français en France, avec le folklore juif saupoudré ou, faire le grand saut et rejoindre tous ceux qui ont fait le choix historique, de s’associer au Renouveau de la Nation Juive. Je dois choisir un front, une bataille, une guerre même ! Paris ou Tel Aviv ?

Pourquoi ce choix maintenant ? Parce que la France que j’ai aimée (j’emploie déjà le passé !) elle n’existe plus que dans les livres et mon souvenir ! Cette  France « nouvelle »  a honte de ces lustres qui, même éteints, restent les témoins de sa grandeur et sont dans l’attente de cette main qui leur redonnera  vie et  flamboiement.  Ces lustres désespérément blafards  furent l’énergie souveraine qui lutta contre l’injustice et l’infamie. Et la France honteuse, défigurée, éteinte, n’est pas ma France !

Hier, je me suis promené sur les Champs Elysées, me suis attablé à la terrasse d’un café prestigieux. J’avais peine à supporter la chienlit qui m’entourait. Brusquement, j’ai senti plus que compris, comment on pouvait devenir sioniste. Certes, j’ai découvert Israël dans un mouvement de jeunesse et, d’emblée, la vocation de ce petit peuple a été la mienne que j’ai su partager avec mon admiration affectueuse pour la République Française.  Mais il faut choisir ! Albert Camus disait qu’il n’y a pas de choix sans sacrifice. C’est bien vrai. Je ne suis pas prêt au sacrifice.

Il n’est plus possible de rester en France sans choisir car, plus nous avançons, plus ces deux réalités deviennent antinomiques. Un ministre Français vient de mettre en doute le caractère Juif de l’Etat. C’est une déclaration de guerre, et tout le monde fait semblant de ne pas comprendre.

Cher papa, toi qui a aimé la France plus que tes enfants, dis moi la vérité. A-t-on une chance de redonner à la France son vrai visage ou faut-il la quitter si l’on veut vivre, fier de ce que l’on est ? Redevenir hébreu est un idéal que ne condamnerait pas Rousseau mais que deviendra, sans moi, cette histoire à laquelle je tiens tant ? Et que deviendrai-je, moi, sans cette histoire qui est une partie de moi-même ?

Mon vélo a deux places, mon cerveau a deux cases et ma maison a deux pièces. Choisir l’une c’est désavouer l’autre !

Aide moi à trouver le « deux en un ! »  Seul je n’y arriverai pas ! Comprends bien. Pour toi, être Français était la base à partir de laquelle on envisageait les options. Aujourd’hui, je ne maîtrise plus ma peur,  car je sais et je sens qu’Albert Camus avait raison.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                               Ton fils

3 Réponses à “LETTRE D’UN FILS A SON PERE”

  1. elyane dit :

    Cher Arnold,
    cette lettre est bouleversante, et vous m’avez fait monter les larmes aux yeux. cette lettre est magnifique…et triste à la fois.
    Que vous dire d’autre, sinon que je vais trimballer cette lettre dans mon coeur, longtemps…très longtemps..
    Je sens que ma journée sera nimbée d’une certaine tristesse…alors,il ne me reste plus qu’à vous dire LE HAIM !!!
    Bon…ben…A BIENTOT.
    elyane

  2. arnold Lagémi dit :

    Chère Elyane,
    Vraiment il n’y a rien de triste selon moi. C’est un homme qui avoue un choix difficile entre la France et Israël.
    Je suis persuadé que nombreux sont celles et ceux qui vivent un problème identique. Quoiqu’il se passe en France, je lui resterai attaché. Mes premières émotions sont de France….Celui ou celle qui affirmera en être détaché mentira.
    Finalement je suis sensible à deux hymnes nationaux, la Hatikvah et Douce France…
    Par le premier, c’est la réflexion qui impose ses vues. Par le deuxième, c’est l’enfance qui fait surface avec son cortège d’inexorable nostalgie.
    Voila!
    Excellente soirée et merci des paroles délicates à mon égard.
    Très amicalement vôtre

  3. elyane dit :

    c’est mon coté…askénaze…l’ame slave…j’ai trouvé cette lettre belle et triste à la fois.
    En tout cas Cher Arnold, je vous souhaite un merveilleux CHABBAT CHALOM, et LE HAIM!!
    Merci de m’avoir répondue,

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