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On attribue à André Malraux la paternité du propos qu’il n’a, en vérité, jamais affirmé, à savoir que, « Le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas. » Dans une interview au Point de Novembre 1975, il précisait à Pierre Desgraupes qui l’interrogeait :

« On m’a fait dire : le XXIe siècle sera religieux ». « Je n’ai jamais dit cela bien entendu, car je n’en sais rien. Ce que je dis est plus incertain. Je n’exclus pas la possibilité d’un évènement spirituel à l’échelle planétaire. »

 

La nuance est subtile, mais il m’a paru intéressant, à plus d’un titre de réfléchir, sur la pensée de ce génie hors normes, que j’ai eu l’honneur de rencontrer et dont l’influence eut sur moi un impact déterminant, jusque dans mon engagement…sioniste ! Mais, comme dirait Kipling, ce serait là une autre histoire.

Notons de prime abord que l’illustre Compagnon du général de Gaulle, (lequel disait de lui: « dans le débat, quand le sujet est grave, son fulgurant jugement m’aide à dissiper les ombres, ») était profondément athée.

Son intérêt pour l’art sacré n’a de sens que replacé dans la vaste perspective où nous tentons d’y trouver un sens pour nous-mêmes, sans pour autant y inclure la raison qui conduisit l’artiste à composer son œuvre.

Malraux explore la condition humaine, un scalpel à la main et essaie d’y retrouver ce fond de solidarité, voire de fraternité qui fut la motivation à tous ses engagements.

L’appel de l’âme, l’aspiration vers l’absolu sont des données irréductibles de la conscience dont l’homme ne se débarrasse pas facilement même s’il a le sentiment d’y être parvenu. « L’homme est d’abord ce qu’il fait » dira t-il et l’homme a besoin de « faire » en engageant des combats qui dépassent « sa pauvre vie ».

Le XIXème et le XXème siècle ont épuisé toutes les luttes visant à l’émancipation de la tutelle religieuse. Les philosophies dominantes, les grandes théories sociales, le scientisme, etc… n’avaient pour principale préoccupation que de libérer l’homme de la référence au divin.

Et la civilisation de la machine n’a pu neutraliser la terrible question que les hommes se posent toujours et qui reste une interrogation fondamentalement religieuse « Qu’est ce que l’homme fait sur terre ? »

Manifestement ce combat connaît de cuisants revers, dans la mesure où l’homme ne peut sacrifier une part de lui-même sans la remplacer. Et toutes les tentatives furent vaines. Malraux savait que la part étouffée referait surface et réclamerait ses droits sinon vengeance…

On tenta de substituer à la conscience religieuse, la conscience politique, parce que, en dépit des apparences, c’est celle qui lui ressemble le plus. Si la religion apporte à l’homme le sentiment de son éternité, l’émancipation politique, par l’octroi de la dignité, relève du sentiment religieux, qui s’y apparente singulièrement, ainsi que nous l’expliquons ci-après.

Les religions proclament que l’homme est aimé du ciel en dépit de la faute, et cet amour de D. ieu, a contribué à persuader l’homme qu’il est bien plus grand qu’il pensait être. On distingue le lien entre la conscience politique qui, par le biais des droits, grandira l’homme, tout comme avait tenté de le réaliser avec succès la soumission au ciel.

En contre partie, le croyant recevait l’assurance de l’amour divin. La Révolution Française, dans tout ce qu’elle porte de révolte et d’espoir a hissé l’homme au niveau le plus haut où il pouvait prétendre sans l’aide de la foi.

Tout ce qui grandit l’homme a un lointain mais réel rapport avec le sentiment religieux parce que le plus haut niveau de l’humanité croyante est le sentiment filial, liant à la divinité et associé à l’origine commune de l’espèce humaine. La force terrible des religions monothéistes a été, en effet, de comprendre que, se sentir aimé est bien plus fort qu’aimer, parce qu’être aimé, c’est devenir important pour l’autre. Si je compte pour l’Autre et qu’en plus, tous les hommes ont le même ancêtre, se trouve ainsi préparé le grand bouleversement de 1789.

Et c’est probablement la puissante charge d’exaltation de ces deux sentiments, qui permirent, une fois laïcisés, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Le changement opéré n’arracha pas pour autant, la racine avec la fleur. L’appétit de l’âme restait entier et…frustré.

Parce que, les hommes regardent les institutions politiques comme l’on voyait jadis les assises religieuses, avec une perspective perpétuelle. La valeur d’éternité reste, intrinsèquement de nature religieuse, parce que naturellement étrangère à l’homme qui sait qu’il est mortel.

Mais le communisme en Russie n’a pu occuper la place, reprise depuis, par l’Eglise Orthodoxe. Tous les ersatz, n’ont pu, en Europe remplacer le Christianisme, qui reste présent et dont le fondamentalisme est en train de reprendre souffle.

Le Vatican durcit sa position dans le retour progressif à la situation prévalant avant Vatican II. Le rigorisme du pape Benoist XVI en reste la manifestation patente.

Quant aux efforts du pan arabisme pour remplacer l’Islam, on constate aujourd’hui la dimension de son cuisant échec. La place que reprend l’Islam tant en Orient qu’en Occident confirme la justesse de la question posée par Malraux : « Je n’exclus pas la « possibilité d’un évènement spirituel à l’échelle planétaire. »

Le Judaïsme n’échappe pas à cet « évènement spirituel. » Nul doute, que l’élément religieux de la culture juive connaît une nouvelle vigueur. Si nous en doutions, comparons ce qu’était la pratique religieuse et les connaissances en la matière en France, par exemple, durant la première moitié du XXème siècle. Presque rien. Quand bien même il y eut de grands maîtres, leur incidence sur les masses était insignifiante.

Alors qu’aujourd’hui, toutes les religions et tous les systèmes se fondant sur l’irrationnel connaissent vigueur et expansion.

Le surnaturel déborde dans notre vie quotidienne. On se serait moqué si durant les premières décennies du XXème siècle, des journaux prestigieux avaient réservé dans leurs colonnes la place qu’occupent aujourd’hui les prévisions astrologiques.

Le danger réside maintenant dans le risque d’affrontement planétaire entre ces différents réveils spirituels dont chacun n’échappe pas aux velléités hégémoniques qui, dépassant le seul domaine de la spiritualité rejoignent le domaine politique ; générateur de conflits. La simultanéité de ces réveils reste le danger ultime auquel sont confrontés les dirigeants de notre temps.

Le ton est donné par Téhéran dont la très sérieuse menace d’anéantissement d’Israël provient d’un Etat, dont le Chef Suprême est d’abord un chef religieux…

Il était bon à notre tour, de faire appel à l’un des plus fameux témoins de notre temps pour « tenter de dissiper les ombres » si tant est, qu’hormis pour les naïfs et les ingénus, une telle démarche fût opportune, l’imminence du danger, ne sollicitant pas le concours des ombres pour masquer son intention meurtrière.

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