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Il n’y a pas plusieurs regards Juifs pour appréhender la vocation de l’art pictural. Il n’y en a que deux. Celui qui prévalut au XVIIIème siècle, par exemple et celui qui marqua la période moderne. La civilisation hébraïque s’accommodera du premier et délaissera le second. Parce que derrière l’œuvre d’art et la dépassant, se forge une façon de voir le monde et l’homme.

Or, jusqu’à la naissance de l’art moderne, qu’on appela maladroitement « l’art abstrait » l’artiste était, grossièrement parlant, un « enjoliveur ». C’est-à-dire, que son initiative visait à montrer, à démontrer, que le monde et ses occupants évoluaient dans une dimension que lui, l’artiste avait pour mission d’embellir. Du point de vue juif, l’artiste excella dans l’art sacré de l’enluminure, dans l’art synagogal, dans la calligraphie, etc…Mais il ne se hasarda jamais à créer un monde issu de sa seule imagination.

Puis vint l’art moderne qui, globalement correspondit à la période où l’athéisme n’était plus un snobisme mais la règle de vie pour l’élite dite pensante. Sous l’impulsion du géant que fut Elie Faure, l’on commença à réfléchir sur une nouvelle fonction de l’art qui était déjà pratiquée mais attendait une formulation adéquate : l’artiste n’était plus enjoliveur du monde mais rival de D.ieu parce qu’il créait des « mondes nouveaux »

Ce regard nouveau et délibérément agnostique se mit à regarder en arrière et entreprit de considérer sous cet angle toutes les productions artistiques antérieures. Ainsi toute la statuaire grecque fut-elle considérée bien plus comme créatrice d’un nouveau monde et l’Hermès de Praxitèle apparut plus comme l’homme accompli que comme le messager des dieux.

Picasso, tout comme Chagall s’inscrivit dans ce mouvement de rébellion et Guernica devint le « nouveau monde » où la référence à la transcendance s’était estompée à l’avantage d’une création concurrente où l’artiste, créateur de mondes devenait le rival du D.ieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

Même la statuaire chrétienne du Moyen Age fut entrevue sous ce regard nouveau et la Sainte en extase fut entrevue comme la femme en pâmoison. Ce fut la naissance du « Musée imaginaire »cher à André Malraux.

Aussi, quand bien même, Chagall traita t-il des habitants du shtetell, ne nous illusionnons pas. Il ne s’agissait pas, pour le génial illustrateur de l’opéra de Paris d’enjoliver la vérité mais de créer un monde imaginaire en prenant, certes, le réel pour assisse mais en évacuant toute allusion ou référence à la réalité même de ce monde.

Aussi si Chagall est bien de « chez nous » il l’est bien plus par sa naissance que par ses acquis plus proches de l’illustration du monde de Nietzche avec son ciel vide que de l’univers de la piété populaire du ghetto de son enfance.

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