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Les Juifs ne sont pas toujours conscients des fatalités que la culture occidentale, dont ils sont porteurs, entraîne  pour l’identité  juive. Cette influence, reste considérable en bien des domaines, et l’illusion est grande pour les Juifs fidèles aux mitsvots, de se persuader que la pratique religieuse les protège de toute pollution culturelle.

Illusion, en effet, car, pour devenir réalité, la vision juive du monde a besoin d’un support pour véhiculer ses particularités. Et, ce support n’est que la conjugaison conjointe et contradictoire de plusieurs terreaux alimentés par des sources dont les noms sont : Rome, Athènes et bien sûr Jérusalem.

Le ghetto et le mellah n’existant plus, la culture juive ne produit pratiquement plus d’individus relevant d’une typologie spécifiquement juive. Le support social est donc d’importation avec ses conséquences inéluctables sur la définition et la structure de l’univers intérieur, de la sensibilité, de la psychologie.

Bref, la pratique des mitsvots, même assidue, relèvera du paraître, alors que le moi profond, l’être authentique participera plus, aux définitions qu’en donne Platon, Sénèque ou Descartes que le porteur de cet héritage ne pourra l’imaginer.

Comprenons bien de quoi il s’agitLes maîtres fondateurs de l’Occident ont déterminé notre façon de voir le monde, même si nous ne les avons jamais lus, étudiés ou approuvés.

Fréquenter, (ou avoir fréquenté) l’école française au niveau primaire ou secondaire, façonne l’identité de l’enfant dans sa sensibilité au monde et, progressivement le conduit à une conception de l’homme qui, pour humaniste qu’elle soit, n’en reste pas moins radicalement différente et opposée de la conscience juive. Etudier à l’école juive n’empêche pas cette influence.

Cette identité antinomique n’aura pas attendu la fréquentation de l’école pour se constituer. La famille, par l’initiation aux rites sociaux préparera l’édification des fondements de cette structure intérieure. Constituée de multiples adjuvants, notre vie psychique, notre façon d’appréhender le monde s’élaborera à partir de ces nombreux éléments dont la synthèse établit la conscience occidentale, la nôtre aussi, sachons le, afin de pouvoir préserver quelques parcelles d’authenticité.

En quoi l’influence « étrangère » est-elle irréversible ?

Je pense aux données culturelles ambiantes qui, dès l’éveil de la conscience, construisent une identité, sans que celle-ci n’y ait souscrit par une adhésion libre et délibérée.

Comprenons bien que le regard que nous portons sur l’homme et son environnement s’élabore à partir d’un milieu, donc d’une culture, elle-même porteuse d’une conception, d’une sensibilité face à l’histoire, au monde et à l’homme.

Lorsqu’un Egyptien, contemporain de Ramsès voyait le Nil ou regardait le ciel, son regard était d’une toute autre nature que celui que porterait, par exemple, un touriste américain aujourd’hui, sur ces mêmes objectifs. Lorsque nous regardons le buste d’Hermès sculpté par Praxitèle, notre perception n’a plus rien à voir avec le contenu qu’y impliquait le regard adorateur d’un Grec, vivant au quatrième siècle avant JC. Et, pour ce qui nous concerne, nous ne pourrions pas entamer de dialogue avec un contemporain du roi David, sans que celui-ci ne dégénérât très vite. Parce que le monde de David renvoyait tout à une vision verticale qui n’est plus la nôtre.

Notre attention au monde, notre vision de l’homme, dépendent des additifs culturels qui, dès notre éveil ont déterminé la nature de cette perception. L’esthétique, la notion du beau, sont naturellement liés à cet éveil.

On comprendra mieux si nous disons, Cézanne ou Picasso voyaient-ils un coucher de soleil comme nous-mêmes le contemplons ? Cet éveil des sens, constitutifs d’une sensibilité se sont imposés à nous, sans que notre volonté s’y soit mêlée. En bien des domaines nous constatons la rivalité entre l’acquis et l’inné. Ce que je tente de mettre en évidence, on l’aura compris, c’est la part considérable de l’acquis qui deviendra inné parce qu’il se superposera aux données de nature, et finira par s’y confondre.

La pratique des mitsvots ne supprimera pas les séquelles étrangères qui entraveront le libre exercice de cette vocation antinomique. La vie intra utérine, et les premières années de vie déterminent le cours de la vie. Or, la grande partie de cette tranche de vie fondamentale, nous la devons à une conception étrangère à la vision traditionnelle juive.

La sensibilisation aux données ambiantes déterminera le moi profond dont jamais on ne se libèrera.. Il s’agit là de données liées aux apprentissages fondamentaux qui ne peuvent être neutralisées que par un traumatisme, ou un choc ouvrant la perspective d’une (re) virginisation de la conscience.

On l’aura bien compris cette conscience nourrie de valeurs étrangères à la conscience hébraïque ne sera pas effaçable. La lucidité, la conscience de cette réalité permettront d’éviter cette carence de l’intelligence que, la pratique religieuse engendre souvent en laissant croire qu’il suffit de faire pour retrouver son âme.

Quant à la conception du monde, de l’histoire et de l’homme, il faut admettre qu’en dépit d’un retour, d’une téchouva vers la dimension hébraïque, dès lors que les premiers réflexes de l’intelligence se sont opérés au sein de la culture Occidentale, ils sont marqués d’une influence indélébile qui, se nourrissant de Descartes, rejaillira sur tous les gestes conscients. Car il y a du Descartes dans notre façon de faire, même si on n’a pas lu une seule ligne du Discours de la Méthode….
Un des anciens grands rabbins de Londres, disait avec humour, mais non sans pertinence : « il y a une façon d’uriner en Juif ! » Il voulait dire par là, que les gestes les plus insignifiants de la vie quotidienne se rattachent à une façon de voir, à une culture.

Or, Descartes est le père fondateur d’une conception du monde où la raison est la valeur suprême. Et cette valeur a imprégné tous les domaines de l’activité humaine. Pour le Judaïsme, ce n’est pas la raison qui est la référence ultime. C’est la volonté du Créateur révélée au mont Sinaï.

Si la raison humaine, (c’est-à-dire, l’homme) est la source exclusive de tout pouvoir, affirmer simultanément la centralité de l’homme et faire référence à la transcendance, relève de la contradiction. L’histoire des sciences n’échappe pas à l’exclusivisme de la raison.

La médecine telle qu’elle est pratiquée procède d’une rupture avec le religieux. Elle est l’expression d’un monde qui a chassé D…de l’histoire humaine. Rappelons-nous, les religions condamnent la dissection. Celle ci a été pratiquée en Europe en dépit de la condamnation de l’Eglise. Et que vaudrait l’art médical aujourd’hui sans la connaissance du corps que permet la dissection.

C’est aussi la raison qui est à la base du droit. Napoléon qui rédigea le Code qui deviendra le Code Civil voulait que la loi témoignât de la rupture avec le religieux. Or, le Code Civil est la matrice de l’idée qu’en Occident on se fait du droit et de la justice.

On comprend pourquoi la religion de l’Occident s’est fondée sur l’extravagance du miracle et de la résurrection pour avoir quelque chance. Il fallait offrir une doctrine d’opposition absolue et radicale à l’hégémonie unilatérale de la Raison. Nous réfléchirons, dans une autre étude aux moyens de préserver une part d’authenticité juive dans un monde qui la rejette. J’indique, d’ores et déjà que la recherche et la destruction du hamets à Pessah, procède de cette volonté de retrouver cette part perdue d’authenticité.

Mais, ouvrir les yeux, c’est subir l’influence de ce monde, de manière irréversible.

Une Réponse à “L’influence irréversible de la « culture » sur l’identité juive.”

  1. […] Mais, ouvrir les yeux, c’est subir l’influence de ce monde, de manière irréversible.  http://www.arnoldlagemi.com/?p=1963 […]

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