Flux pour
Articles
Commentaires

La campagne organisée en vue empêcher la béatification de Pie XII a de quoi surprendre à maints égards.

Non pas que Pie XII ait été bienveillant au destin des Juifs plus que ses prédécesseurs ou successeurs ou qu’il ait manifesté un intérêt particulier à la chose juive. Certes pas. Il est le Vicaire du Christ et à ce titre, il est le Chef de la Nouvelle Eglise qui prétend avoir remplacé le peuple Juif dans sa mission rédemptrice.

Soit, mais cela étant dit, a-t-on bien conscience des conditions dans lesquelles s’est effectué le pontificat d’Eugenio Pacelli, devenu Pie XII le 2 Mars 1939? A-t-on médité sur ce qu’en dit de lui, l’immense historien de cette période tragique, le grand Léon Poliakov qui affirme dans « le bréviaire de la haine »:

« Face à la terreur nazie, avec l’accord ou sous l’ordre du Vatican, les Eglises manifestèrent sur le plan humanitaire une action permanente et inoubliable. »

Ne confondons pas les époques. Aujourd’hui, on peut dire, des énormités avec le mensonge ou la dissimulation pour fondement, on ne risque pas grand-chose. On peut traîner dans la boue un gouvernement. A l’époque, un discours public contre le régime hitlérien était immédiatement suivi de voies de fait.

Les nazis disposaient d’énormes moyens de chantage inimaginables aujourd’hui qui empêchèrent le pape de prononcer une condamnation du nazisme que les persécutés attendaient.

Notons aussi l’édition plus récente du rabbin David Daline qui, en 2005 publie « Pie XII et les Juifs. » Il écrit notamment : « Imputer la condamnation et la réprobation qui revient à Hitler et aux nazis à un pape qui s’opposa à eux et était l’ami des Juifs est une abominable calomnie et une regrettable diffamation. »

En 1958, lors du décès de Pie XII, Golda Méïr, alors en charge des Affaires Etrangères, affirmait :

« Quand le malheur et le martyre d’Israël se produisirent durant l’avènement du nazisme en Allemagne, la voix qu’on entendit pour la sauvegarde des victimes fut celle du pape. Nous pleurons aujourd’hui un grand serviteur de la paix. »

Dans cette même perspective, ne perdons pas de vue les travaux de l’historien Israélien Pinhas Lapide qui soutint que l’Eglise catholique a sauvé plus de 8OO.OOO Juifs dans les territoires occupés par le IIIèm Reich. Et, récemment le grand rabbin de Rome Toaff affirmait :

« Les Juifs n’oublieront pas, les ordres donnés par le pape à l’Eglise, en vue de protéger le maximum de Juifs au moment des persécutions raciales. »

Cette campagne visant à empêcher la béatification est surprenante parce qu’elle témoigne d’une singulière méconnaissance de la fonction pontificale, garante des intérêts de la chrétienté. Si le pape Pie XII n’a pas, durant son pontificat condamné le nazisme, il l’a fait avant, quand Secrétaire d’Etat, il rédigea en 1937 avec le cardinal archevêque de Munich, l’encyclique Mit brennender Sorge. Il y condamna sans réserve le type d’homme nouveau que l’Allemagne voulait enfanter et qu’il identifia au paganisme.

Par ailleurs, de nombreux incidents démontrent une opposition au national socialisme, à ses chefs ainsi qu’à son maître suprême. Il ne condamna pas, le nazisme, il est vrai, une fois élu au trône de Saint Pierre. Mais ses initiatives en vue de sauver de très nombreux Juifs sont à verser aux débats pour une vision moins passionnelle et plus objective.

Une question fondamentale doit être posée pour cerner ce douloureux problème dans toute sa complexité. Si le pape avait condamné le nazisme ou excommunié Hitler, les conséquences n’eussent elles pas été plus dramatiques ? Le pape privé de tout moyen d’action aurait-il pu sauver autant de Juifs ? Aurait-il pu, mis au secret, donner l’ordre aux couvents et monastères d’accueillir les Juifs pourchassés ? Sait-on, le nombre de fois où Radio Vatican a été brouillée par les Allemands parce que les propos du pape étaient jugés déplaisants ? Mesure t-on les conséquences d’un silence imposé au pape ?

En 1944, Isaac Herzog, grand rabbin de Jérusalem et, père de l’ancien Président d’Israël, me semble t-il, déclarait :

« Ce que Votre Sainteté et ses éminents envoyés ont fait pour nos frères persécutés, le peuple juif ne l’oubliera jamais. »

Et, pourquoi, le grand Rabbin de Rome, Israël Zolli, converti au catholicisme à la fin de la guerre avec sa femme et sa fille, choisit-il comme nom de baptême, Eugenio, le prénom de Pie XII, si ce dernier avait été l’ange exterminateur des Juifs comme certains le prétendent ?

Eugenio Pacelli devenu pape sous le nom de Pie XII, reste une personnalité complexe, contradictoire, dont le destin exceptionnel dans une des périodes les plus tragiques de l’histoire exige de jeter loin, très loin, toute approche qui se fondrait sur ce qu’il aurait du faire, ce qu’il aurait pu faire, pour ne retenir essentiellement que ce qu’il a fait. Le pape s’éloigne alors. Il reste l’homme dont la main fut souvent tendue aux Juifs, dans le silence, certes, mais tendue !

Si une pétition avait bien sa raison d’être, c’était plutôt celle qui serait allée à l’encontre de la réhabilitation de l’évêque Williamson !

NB/ Les éléments constitutifs de cet article ne sont pas une étude chronologique. Ils visent à replacer dans leur contexte des évènements complexes et à permettre par l’anecdote d’interpeler le lecteur sur ce qui, à première vue semble une évidence et qui est loin de l’être. Je n’ai pas cité les références bibliographiques pour ne pas alourdir cet article. Je les tiens néanmoins à la disposition de celles et ceux qui le souhaiteraient.

Arnold Lagémi     www.terredisrael.com

Laisser un commentaire