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2èm volet de : « Sartre, Camus, Malraux. Quand les intellectuels Français étaient sionistes. »

« L’Etat sioniste est né du courage, sans lui, jamais le sionisme n’eut été arraché à l’utopie. » (Malraux et les Juifs : histoire d’une fidélité. Michaël de St Chéron. Ed : Desclée de Brouwer.


La relation d’André Malraux avec le sionisme n’est pas une relation à deux protagonistes. Elle implique un troisième intervenant, le général de Gaulle,  dont l’antisionisme manifeste et doctrinal obligea l’auteur de « La condition Humaine » à une stratégie délicate et feutrée pour rester l’ami d’Israël tout en demeurant  précieux pour le Chef de la France Libre qui disait de lui : A ma droite, j’ai et j’aurai toujours André Malraux. La présence à mes côtés de cet ami génial, fervent des hautes destinées, me donne l’impression que, par là, je suis couvert du terre-à-terre. L’idée que se fait de moi cet incomparable témoin contribue à m’affermir. Je sais que, dans le débat, quand le sujet est grave, son fulgurant jugement m’aidera à dissiper les ombres. (Mémoires d’espoir)


Voyons les faits.  Marié à Clara Goldsmith, sa première femme, Juive, Malraux n’eût pas supporté qu’on fît remarquer qu’il eût des amis Juifs, comme si la mention était nécessaire pour prouver qu’il ne fut  pas antisémite ! Si les réserves antisémites doivent être levées, des hypothèques subsistent sur sa relation avec l’Etat d’Israël, quand bien même,  son désir exprimé en 1956 de lever une brigade de volontaires pour aider l’Etat Juif.  Et même si cette courageuse décision n’a pas eu de suites, les invitations à visiter Israël ne connurent pas meilleur destin.  Malraux dira à ce sujet : « L’idée de faire du tourisme à Jérusalem me fait horreur. On y va en pèlerinage ou l’on n’y va pas. »


Malraux avait une connaissance approfondie de la Tradition juive, bien supérieure à celle de Camus ou Sartre, comme en témoigne le discours à profonde résonnance hébraïque, prononcé lors du centenaire de l’Alliance Israélite, où l’âme juive la plus pertinente,  apparaît sans enjolivure.


Malraux n’a pas attendu la regrettable conférence de presse du général de Gaulle tenue à la veille de la Guerre des Six Jours pour adopter vis-à-vis du sionisme militant une attitude prudente et réservée. Je dis bien du sionisme et non des Juifs ou du Judaïsme ! Et s’il garda un mutisme complet sur le sujet et ce, jusqu’à sa mort, on ne pourra lui reprocher  quelle que parole que  ce soit au sujet du problème palestinien à l’égard duquel il observa le même silence.


La relation privilégiée de Gaulle/Malraux établira très tôt que la place d’une communauté juive intégrée superficiellement à la Nation Française était inacceptable. La place qu’y occupaient les Juifs était  celle de Français que rien ne devait distinguer des autres citoyens.  On observera les réserves implicites de facto manifestées par Malraux à tous les propos que le général affirmera lors de cette conférence de presse en s’abstenant de tout commentaire. Alors que les autres ministres ne se privaient pas de donner leur avis, l’attitude de Malraux est singulière. Que le général l’acceptât ne le fût  pas moins ! Un accord tacite entre eux est plus que probable.


Quant à la Shoah, pas une seule cérémonie de déportés ne se tint sans que Malraux « n’ouvrît le livre des supplices… »


Depuis sa participation aux combats en Indochine, à la guerre d’Espagne par la création de la brigade espagna, son action au Bengladesh où à 70 ans, il était aussi prêt à lever des volontaires confirme sa volonté farouche de se battre sur tous les fronts où la liberté tente de faire face à l’oppression. Son intérêt pour les Juifs et Israël ne laisse pas de place au doute.


Le chemin qui mènera peut être à la compréhension de ce silence passe par la perception très particulière  que Malraux avait du général,  cet officier supérieur  qui ne se rendit pas célèbre par une victoire militaire mais par une voix qui, inlassablement, répétait chaque soir, « Ici Londres, Honneur et Patrie, vous allez entendre le général de Gaulle ! » Et par un « non ! » alors que tout le monde disait « oui ! »


La présence de Malraux aux côtés de de Gaulle confirme que le général ne fut pas antisémite. Malraux ne l’eût ni supporté ni admis. En conclusion, n’oublions pas qu’au-delà de ces ombres immenses qui furent la France, s’intégrèrent des hommes et des femmes de talent qui confirmèrent le sionisme des intellectuels d’avant 1967.


Mais cela suffit-il pour que le sionisme du Ministre d’Etat, en charge de la culture, que j’ai personnellement rencontré, et dont le court entretien a pour moi  valeur d’une rencontre initiatique,  restât un « sionisme contemplatif » ?


Le prochain volet de Sartre, camus, Malraux. Quand les intellectuels Juifs étaient sionistes,  sera consacré à Jean Paul Sarte, celui qui refusa tous les honneurs, dont le Prix Nobel et n’accepta de distinction que celle que lui décerna l’Université Hébraïque de Jérusalem : Docteur Honoris Causa de cette même Université

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