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Dans le courant de l’histoire de France non raciste qui s’est opposé au sionisme, tout en combattant l’antisémitisme, tient une bonne place la vision du problème telle que l’envisageait la mouvance révolutionnaire qu’exprima en 1789 Stanislas de Clermont Tonnerre et que reprit à son compte le général de Gaulle et un nombre non négligeable de Français, attachés à la République humaniste émancipatrice et farouchement opposée à toute forme de discrimination. Ce courant se résume en une phrase dite sous forme de proclamation : « Tout aux Juifs en tant qu’individus, rien aux Juifs, en tant que Nation.

L’ambiguïté attachée à cette réalité n’échappe pas. L’antisionisme est sans équivoque, la condamnation de l’antisémitisme aussi. Voilà qui bouleverse bien des évidences et devrait amener certains à de sérieuses remises en question…

Ce courant, loin d’être antisémite, considère, au contraire les Juifs, comme partie intégrante de la Nation et ne peut comprendre, accepter et admettre la volonté de redonner vie à un sursaut national, éteint depuis presque deux millénaires. Il faut aussi ajouter un élément qui interpelle plus la psychologie que l’histoire. C’est la déception de celles et ceux qui luttèrent pour que les Juifs aient une place, leur place en France, et qui sont déçus, dépités à la considération du choix d’une autre nation qu’expriment les Juifs par le sionisme, quand bien même ce choix ne sacrifie pas l’amour de la France, mais le place à côté de son affection pour Israël.

Pour ces non Juifs, la Nation juive a été engloutie en l’an 7O par la destruction de Jérusalem, qui provoqua l’exil qui s’en suivit et anéantit toute perspective de retour. Le nationalisme juif qui s’exprima au XIXème siècle, s’il ne fut pas jugé comme une trahison n’en resta pas moins l’aveu d’une forme d’ingratitude.

C’est ainsi qu’aujourd’hui encore, on peut expliquer, par exemple, l’attitude ambiguë en apparence, de Jacques Chirac qui n’a pas hésité à manifester réserves et agacement envers l’Etat d’Israël et, en même temps reconnaît et stigmatise sans réserve, l’attitude de la France et de ses chefs durant l’Occupation.

Et, cette conception est loin de se dissiper. Elle est mère de bien des malentendus que le bon sens pourrait dissiper. Dans la cohérence de cette approche, les Juifs n’ont pas, n’ont plus de nation, comme les Egyptiens du temps des pharaons, n’ont plus la leur. A la limite, on pourrait concéder à cet Etat Juif, une mission exclusivement policière et protectrice des Juifs dans le monde. D’ailleurs le Président Chirac, lors de l’inauguration du mémorial de la Shoah, en Janvier 2005 a reconnu par des propos qui auraient dû soulever des tombereaux de protestations, cette seule fonction défensive à l’Etat Juif :

« Je n’ignore pas les inquiétudes, parfois les angoisses qui étreignent le cœur de nos compatriotes Juifs. La mémoire juive, c’est la mémoire blessée d’un peuple qui, tout au long de son histoire a été dispersé persécuté, avant de connaître l’horreur de l’extermination. Cette blessure suffirait à elle seule à justifier, si besoin était, la nécessité d’un Etat dont l’existence même garantisse le plus jamais ça. »

Pas d’antisémitisme, le seul soupçon en serait offense, mais du dépit, devant l’abandon. En 1791, les Juifs acceptèrent leur émancipation sans émettre de réserves quant à leur renouveau « en tant que nation » car ils étaient à mille lieux d’en soupçonner la perspective. Leur patrie libératrice était la France mais celle-ci n’a pas pris la mesure de la frustration que représentait pour ces Juifs, la perte de la Judée, dont le souvenir ne les a jamais quittés. La conscience nationale juive s’est réveillée avec Hetzl à la stupeur des non Juifs, blessés de constater que les Juifs en avaient conservé non seulement la mémoire mais aussi la nostalgie !

Si les hommes de 91 n’ont pas mesuré le drame, la tragédie, de l’identité juive privée de sa terre, Napoléon ne l’a pas perdue de vue, lui qui, convoquant l’assemblée des notables et le Sanhédrin voulut mesurer l’impact de l’histoire sur le présent.

Mais nul ne savait, que, quelques décennies plus tard, Herzl redonnerait vie à des racines dont les Juifs, eux même ignoraient qu’elles aspiraient tant à la résurrection.

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