Flux pour
Articles
Commentaires


Il se publie de tous côtés  des textes de diverses origines tendant à sous-estimer le différend majeur entre le Christianisme, l’Eglise Catholique en l’occurrence et le Judaïsme. Pour des raisons démagogiques, on gomme les différences, on atténue les divergences et l’on perdure dans une voie, dont le seul effet sera, une fois de plus de « tordre le cou » à la vérité. Alors, il est opportun et essentiel de rappeler :

a)     L’appréciation du discours christique est de la compétence exclusive du peuple juif, parce que l’origine du christianisme est une affaire intérieure juive. Refuser cette évidence sous tendue  par le droit est l’expression d’une ingérence intolérable.

b)     Pour Israël, Jésus est un faux prophète au même titre que Sabbataï Zvi. Il ne remplit pas les conditions requises pour prétendre à la messianité. Seul Israël est dépositaire de la Loi de Moïse et des textes prophétiques annonçant l’ère messianique. A ce titre, c’est lui et lui seul qui doit désigner le messie.

Prétendre apprendre aux Juifs à lire correctement leurs textes est un abus de droit, une erreur de jugement et signe une vanité démesurée.

c)     En désignant le messie en la personne de Jésus, le Christianisme s’est substitué au peuple juif dont il a usurpé la place, le rôle et la mission.

d)     Théologiquement, le rapprochement est, par essence, impossible, parce qu’il n’y a qu’un seul peuple Juif, mandataire de la P.rovidence.

e)     Restent les accommodements  collatéraux qui confirmeraient, sinon la convergence doctrinale, du moins la volonté réparatrice. Au cours des siècles passés, le Christianisme dans son ensemble a fait subir aux Juifs diverses exactions qu’il a tenté d’effacer par un pardon sans effets et un Concile fébrile mais tout aussi vide d’initiatives concrètes.

f)      La réparation des crimes et exactions n’est pas une aumône quémandée avec humilité c’est une demande de restauration du droit. Soutenir la fraternité judéo-chrétienne sans le préalable de la réparation, c’est mépriser et nier l’enseignement des prophètes.

g)     Maintenir des symboles odieux et indignes comme la « synagogue aveugle » de la cathédrale de Strasbourg, c’est sous-entendre, l’échec de Vatican II et confirmer une permanence doctrinale qui a éliminé Israël.

h)     Tergiverser sur le statut de Jérusalem, capitale d’Israël est une des expressions du refus chrétien de reconnaître la permanence de l’Election d’Israël.

Si des esprits mal intentionnés veulent voir dans mes propos le signe d’un anti christianisme  primaire, qu’ils se reportent à mes initiatives en faveur de Pie XII, pape sauveteur à la mémoire outragée que j’ai défendu en dépit d’une campagne odieuse menée à mon encontre, à laquelle se sont ralliés sur le tard quelques esprits juifs distingués.

6 Réponses à “L’épisode « Jésus de Nazareth » est une « affaire intérieure » juive !”

  1. Aviva dit :

    Bonsoir Arnold,
    Un immense merci pour votre réactivité et pour avoir si généreusement pris la plume pour nous mettre une fois de plus les points sur les « i » de la façon la plus simple et la plus claire qui soit. Ce qui nous change grandement des éternels discours verbeux de l’Église à ses plus hauts niveaux pensant ainsi « subtilement » noyer le poisson. Il faut tout de même oser énoncer que « juifs et chrétiens, comme l’unique peuple de Dieu… » ! Ce pluriel singulier en dit assez long à lui seul ; pour le reste… vous êtes suffisamment précis et ce n’est pas moi qui pourrais ajouter quoi que ce soit sinon que je vous suis personnellement reconnaissante d’avoir écrit cet article (entre autres…).
    Shabbat shalom à vous et votre entourage.
    aviva

  2. DOMVER dit :

    Sommes nous certains , en définitive de la prétention de Jésus à la messianité ? Il y a une construction tellement complexe du dogme chrétien , et celà sur plusieurs siècles , que l’on peut à bon droit douter de tout ce qui concerne sa biographie et ses prétentions . Ce qui m’amène à poser cette question : n’est ce pas au peuple juif lui même , en réinvestissant la recherche historique sur la nature et la qualité de ce fils d’Israel , qu’il appartiendra un jour de lever toutes les ambiguités sur  » cette affaire intérieure juive  » ? Et délivrer par un savoir éclairé le monde chrétien de ses aveuglements ?

  3. Neutrinos dit :

    Bravo Domver, vous avez soulevé la véritable question. Sur le plan archéologique, on ne dispose d’aucune preuve de l’existence du personnage : aucun manuscrit, aucune inscription dans la pierre ou le métal, aucun objet scientifiquement expertisé ; bref aucun indice matériel d’aucune sorte.
    Rien non plus dans les récits des écrivains contemporains, hormis quelques interpolations évidentes de faussaires.
    Les évangiles ne sont pas fiables sur le plan historique. Ce sont des histoires inventées par des sectaires peu soucieux de vérité. Il ne s’agit pas de livres d’Histoire. Ces textes sont bourrés de contradictions internes, d’anomalies, d’anachronismes, d’invraisemblances et d’impossibilités factuelles .
    On ne peut que regretter qu’aucune voix ne se soit élevée, il y a 1700 ans, pour dénoncer la supercherie, alors qu’il était encore temps de démonter la fiction à l’aide des textes véhiculés par la secte même.
    Comme vous le suggérez, le temps est peut-être venu. On attend les universitaires courageux qui oseront publier les résultats de leurs enquêtes, et affronter les défenseurs des idées reçues.

  4. olivier dit :

    ‟La preuve capitale de la vérité de Dieu, de l’Incarnation, de la vérité de l’Église, c’est qu’en dépit de ses serviteurs, l’Église ait subsisté et subsiste. Il y a une blague juive tout à fait de circonstance : Un Juif rencontre son ami Nachmanson, en route pour l’église où il va se faire baptiser. Nachmanson, à tout bout de champ, se plaint des curés et des catholiques qu’il connaît. ‟Je ne te comprends pas, dit le Juif, comment peux-tu te convertir dans ces conditions-là ?”
    Et bien, justement ! j’ai réfléchi. Une religion qui supporte cela est certainement la meilleure.”
    Maxime Alexandre, ‟Journal 1951-1975”

    Arnold Lagémi a publié il y a peu un article qui m’a grandement troublé : il va dans le sens de certaines de mes impressions. Cet article m’a d’autant plus troublé qu’au moment où j’en pris connaissance, j’étais occupé à relire un article consacré au rabbin Jacob Emden et à l’hérésie de Sabbataï Tsevi.

    L’introduction d’Arnold Lagémi est fort instructive : elle dénonce la démagogie, cette matrice de tous les désastres. Il ne faut pas s’employer à minimiser à tout prix ce qui sépare le judaïsme du christianisme, bien au contraire ; il faut le souligner pour mieux définir le caractère de ces religions respectives. A l’heure du nous-sommes-tous-frères et d’une démagogie fondée, comme toute démagogie, sur l’ignorance crasse mais aussi la peur, les remarques d’Arnold Lagémi me réchauffent le cœur.

    Je partage avec lui ce qui est bien une conclusion, à savoir le caractère profondément théologique de l’antisémitisme, véhiculé par le christianisme. Lorsque je dis qu’il ne faut jamais oublier que l’entreprise la plus radicale d’extermination du peuple juif a eu lieu en Europe, une vieille terre chrétienne, on me considère comme un vulgaire provocateur. Ce constat est pourtant irrévocable et il faut y réfléchir avec ardeur et sans concession.

    L’Église n’est en rien un ‟Nouvel Israël” et il faut porter l’estocade à la théorie de la substitution. A ce propos, un Chrétien qui s’emploie à vouloir convertir les Juifs se comporte d’une manière déplorable. Gardez à l’esprit ce qui suit : que les Juifs se convertissent au christianisme, et le christianisme s’effondre ; que les Chrétiens se convertissent au judaïsme, et le judaïsme tient encore.

    Inutile de se disputer. Les doctrines sont inconciliables. Que les Chrétiens reconnaissent la richesse du judaïsme et, pour ce faire, qu’ils l’étudient sans a priori. Par ailleurs, que des Juifs de la stature d’Elie Benamozegh ou de Jacob Emden reconnaissent de hautes qualités au christianisme, en dépit de toute l’animosité et de toutes les violences dont le christianisme s’est rendu coupable envers les Juifs, réconforte tout de même. Cultivons l’amitié et la réflexion entre individus ; c’est elle qui sauvera le monde. Les Églises sont d’abord des appareils qui cherchent à se protéger et à se renforcer, d’une manière ou d’une autre.

    Arnold Lagémi l’anti-démagogue met les points sur les i de la manière suivante. Il rappelle que (en gras) :
    ■ ‟L’appréciation du discours christique est de la compétence exclusive du peuple juif, parce que l’origine du christianisme est une affaire intérieure juive. Refuser cette évidence sous-tendue par le droit est l’expression d’une ingérence intolérable.” C’est à mon sens une évidence. J’ai souvent noté chez les Chrétiens de l’arrogance — voire de la condescendance — envers le judaïsme, arrogance et condescendance généralement à peine conscientes d’elles-mêmes. Non ! Le christianisme n’est pas un papillon tandis que le judaïsme serait une chrysalide. Et je me garderai pour l’heure d’évoquer l’islam, ce jeune venu qui s’efforce de jouer au plus fort en faisant souffrir Juifs et Chrétiens. A ce propos, le rapprochement entre Juifs et Chrétiens face à un danger commun, l’Islam, ne doit pas pousser de côté de qui a été. Bien au contraire : il doit inciter à l’étude infatigable les raisons théologiques — et historiques — de tant de violences chrétiennes envers le peuple juif. C’est une entreprise stimulante, un voyage passionnant et inquiétant, comme tout voyage passionnant.
    ■ ‟Pour Israël, Jésus est un faux prophète au même titre que Sabbataï Tsevi. Il ne remplit pas les conditions requises pour prétendre à la messianité. Seul Israël est dépositaire de la Loi de Moïse et des textes prophétiques annonçant l’ère messianique. A ce titre, c’est lui et lui seul qui doit désigner le messie. Prétendre apprendre aux Juifs à lire correctement leurs textes est un abus de droit, une erreur de jugement et signe une vanité démesurée.” Je ne ferai aucune objection à la deuxième partie de cette appréciation. Que des Chrétiens puissent prétendre que les Juifs ne lisent pas correctement leurs propres textes — qu’ils n’y voient pas ce que nous chrétiens y voyons ; autrement dit, qu’ils sont aveugles — n’est que vanité abyssale. Et le christianisme n’est pas venu accomplir le judaïsme.
    La première partie de cette proposition m’a sauté aux yeux car, je le redis, je me suis remis à l’étude du sabbataïsme qui m’a permis de découvrir et d’étudier la vie et l’œuvre du rabbin Jacob Emden. Les tensions messianiques sont d’une extraordinaire puissance au sein du peuple juif ; elles expliquent en partie son génie et son énergie. Ce constat étant posé, je me permets de dire, avec le nécessaire recul, que Jésus qui n’est pas le messie pour les Juifs reste pour eux un rabbi qui véhicule le génie du peuple juif, un rabbi emprunt de la sagesse des Pharisiens (les Pharisiens que le christianisme s’est employé à fustiger au cours des siècles avec un entêtement coupable), un sage juif parmi tant d’autres sages juifs. Et je suis certain qu’Arnold Lagémi place Jésus le Juif de Galilée bien au-dessus de Sabbataï Tsevi et du cerveau de ce mouvement, Nathan de Gaza. Et je ne parlerai pas de celui qui s’est prétendu la réincarnation de ce messie, Jacob Frank !
    ■ ‟En désignant le messie en la personne de Jésus, le Christianisme s’est substitué au peuple juif dont il a usurpé la place, le rôle et la mission.” Arnold Lagémi met l’accent sur une question qui me préoccupe depuis longtemps, à savoir cette dichotomie entre Jésus le Juif de Galilée et le Christ, le Christ qui m’apparaît comme une création théologique. Je vois depuis longtemps une fêlure — pour ne pas dire un gouffre — entre JÉSUS et le CHRIST. Aussi la dénomination JÉSUS-CHRIST me paraît-elle suspecte, un montage idéologique. J’aime profondément Jésus ; le Christ et Jésus-Christ sont d’intéressants sujets d’études. La théorie de la Substitution constitue quant à elle un véritable coup de force contre le judaïsme, l’un des plus formidables coups de force de l’histoire de l’humanité — un pronunciamiento.
    Par ailleurs, le Juif reste plus ou moins confusément un déicide pour les Chrétiens : le Juif a tué leur Dieu. Relisez les Évangiles, tous les Évangiles : les Juifs ont réclamé la tête de Jésus et le brave Ponce-Pilate l’a condamné à mort bien à contre-cœur après s’être lavé les mains. Comprenez : les Juifs étaient déjà si puissants qu’ils purent dicter leur volonté à l’occupant romain. Je ne force pas la note et je ne remue pas de “vieilles histoires” — les “vieilles histoires” nous précèdent. Il y a une archéologie du ressentiment.
    ■ ‟Théologiquement, le rapprochement est par essence impossible, parce qu’il n’y a qu’un seul peuple Juif, mandataire de la Providence.” Remarque très intéressante qui renvoie aux remarques de Jacob Emden sur les lois noachiques offertes aux non-Juifs. Je publierai prochainement un article sur ce rabbin allemand du siècle dit des Lumières.
    ■ ‟Restent les accommodements collatéraux qui confirmeraient, sinon la convergence doctrinale, du moins la volonté réparatrice. Au cours des siècles passés, le Christianisme dans son ensemble a fait subir aux Juifs diverses exactions qu’il a tenté d’effacer par un pardon sans effet et un Concile fébrile mais tout aussi vide d’initiatives concrètes.” Lorsque je fais remarquer que les plus grandes tueries de Juifs ont eu lieu en terres diversement chrétiennes (catholiques, protestantes et orthodoxes) ont me prend pour un provocateur, un petit polémiste voire un judéophile névrosé. Or, je ne cherche en rien à régler des comptes ou à m’ériger en petit juge. Simplement : il n’y a pas de lien de cause à effet entre le christianisme et la Shoah ; mais il impossible de nier qu’un certain climat entretenu par la chrétienté a contribué à élaborer un terreau (le mot est de Georges Bensoussan et je n’en vois pas de mieux approprié) dans lequel le nazisme (qui est négation du christianisme) a pu prendre racine. Et il m’est particulièrement odieux de lire ici et là que les Juifs cultivent la victimisation. Les Juifs ne se plaignent pas. Ils aiment analyser et comprendre. Et ils invitent ceux qui le veulent à réfléchir en leur compagnie.
    ■ ‟La réparation des crimes et exactions n’est pas une aumône quémandée avec humilité, c’est une demande de restauration du droit. Soutenir la fraternité judéo-chrétienne sans le préalable de la réparation, c’est mépriser et nier l’enseignement des prophètes.” La réparation, bien sûr. Je connais le mot ‟réparation” en hébreu ; je le dis non sans fierté car mon lexique hébreu se limite à quelques mots. Mais j’en reviens au sujet. La repentance a un double visage, c’est pourquoi je l’observe de très près. Elle peut jouer avec l’émotion : larmes et arrêt sur image. Regardez-nous ! Nous sommes si beaux, ennoblis par la repentance ! Et je sais que l’Église catholique-apostolique-romaine et l’appareil du Vatican savent y faire. Et je ne ne nie pas pour autant les efforts sincères de de membres de cet appareil religieux. Mais c’est dans le tête-à-tête, loin des médias et des gestes spectaculaires, que la réparation se fera. C’est par la réflexion obstinée, aidée par l’esprit prophétique, que la réparation se fera. Mon plus secret désir est que l’esprit d’Israël —l’esprit prophétique — aide la chrétienté. Jésus était un prophète d’Israël, un prophète admirable parmi d’autres prophètes admirables tels que nous les enseignent les textes antiques.
    ■ ‟Maintenir des symboles odieux et indignes comme la « synagogue aveugle » de la cathédrale de Strasbourg, c’est sous-entendre l’échec de Vatican II et confirmer une permanence doctrinale qui a éliminé Israël.” J’ai reproduit cette sculpture, ‟La Synagogue aveugle”, dans un article sur Elie Benamozegh et sur ce blog même. C’est un symbole odieux, je l’ai dit et je le redis. Mais que faire ! Faut-il l’ôter à l’ensemble sous peine de porter préjudice à l’unité architecturale de cet ensemble ? Afin de s’éviter de couteux travaux, je propose une demi-mesure : mettons un bandeau (en tissu) sur les yeux de ‟L’Église triomphante”. Plus sérieusement, ce symbole devrait rester en place afin d’inviter les regards à réfléchir sur l’immense et coupable prétention de l’Église envers les Juifs.
    ■ ‟Tergiverser sur le statut de Jérusalem, capitale d’Israël, est une des expressions du refus chrétien de reconnaître la permanence de l’Élection d’Israël.” Cette remarque m’émeut particulièrement. Jérusalem doit rester réunifiée sous la protection des Juifs. Je l’affirme pour des raisons pragmatiques autant que spirituelles. Pragmatiques d’abord. Les pèlerins, toutes religions confondues, ne seront jamais aussi bien protégés que si Jérusalem est juive. Spirituelles ensuite. Jérusalem doit faire partie intégrante de l’État d’Israël et en aucun cas être divisé. Je ne vais pas me perdre en arguments sur la question, c’est l’un des points de mon credo : Jérusalem est juive et doit le rester. Et permettez-moi d’ajouter qu’un chrétien qui n’est pas sioniste n’est pas plus chrétien qu’un chrétien qui cherche à convertir les Juifs. Comprenne qui voudra et à bon entendeur, salut !

  5. olivier dit :

    En réponse à Arnold Lagémi

    Á N. l’amie juive et à O. l’amie chrétienne auxquelles je dois tant.

    ‟La preuve capitale de la vérité de Dieu, de l’Incarnation, de la vérité de l’Église, c’est qu’en dépit de ses serviteurs, l’Église ait subsisté et subsiste. Il y a une blague juive tout à fait de circonstance : Un Juif rencontre son ami Nachmanson, en route pour l’église où il va se faire baptiser. Nachmanson, à tout bout de champ, se plaint des curés et des catholiques qu’il connaît. ‟Je ne te comprends pas, dit le Juif, comment peux-tu te convertir dans ces conditions-là ?”
    Et bien, justement ! j’ai réfléchi. Une religion qui supporte cela est certainement la meilleure.”
    Maxime Alexandre, ‟Journal 1951-1975”

    Arnold Lagémi a publié il y a peu un article qui m’a grandement troublé : il va dans le sens de certaines de mes impressions. Cet article m’a d’autant plus troublé qu’au moment où j’en pris connaissance, j’étais occupé à relire un article consacré au rabbin Jacob Emden et à l’hérésie de Sabbataï Tsevi.

    L’introduction d’Arnold Lagémi est fort instructive : elle dénonce la démagogie, cette matrice de tous les désastres. Il ne faut pas s’employer à minimiser à tout prix ce qui sépare le judaïsme du christianisme, bien au contraire ; il faut le souligner pour mieux définir le caractère de ces religions respectives. A l’heure du nous-sommes-tous-frères et d’une démagogie fondée, comme toute démagogie, sur l’ignorance crasse mais aussi la peur, les remarques d’Arnold Lagémi me réchauffent le cœur.

    Je partage avec lui ce qui est bien une conclusion, à savoir le caractère profondément théologique de l’antisémitisme, véhiculé par le christianisme. Lorsque je dis qu’il ne faut jamais oublier que l’entreprise la plus radicale d’extermination du peuple juif a eu lieu en Europe, une vieille terre chrétienne, on me considère comme un vulgaire provocateur. Ce constat est pourtant irrévocable et il faut y réfléchir avec ardeur et sans concession.

    L’Église n’est en rien un ‟Nouvel Israël” et il faut porter l’estocade à la théorie de la substitution. A ce propos, un Chrétien qui s’emploie à vouloir convertir les Juifs se comporte d’une manière déplorable. Gardez à l’esprit ce qui suit : que les Juifs se convertissent au christianisme, et le christianisme s’effondre ; que les Chrétiens se convertissent au judaïsme, et le judaïsme tient encore.

    Inutile de se disputer. Les doctrines sont inconciliables. Que les Chrétiens reconnaissent la richesse du judaïsme et, pour ce faire, qu’ils l’étudient sans a priori. Par ailleurs, que des Juifs de la stature d’Elie Benamozegh ou de Jacob Emden reconnaissent de hautes qualités au christianisme, en dépit de toute l’animosité et de toutes les violences dont le christianisme s’est rendu coupable envers les Juifs, réconforte tout de même. Cultivons l’amitié et la réflexion entre individus ; c’est elle qui sauvera le monde. Les Églises sont d’abord des appareils qui cherchent à se protéger et à se renforcer, d’une manière ou d’une autre.

    Arnold Lagémi l’anti-démagogue met les points sur les i de la manière suivante. Il rappelle que (en gras) :
    ■ ‟L’appréciation du discours christique est de la compétence exclusive du peuple juif, parce que l’origine du christianisme est une affaire intérieure juive. Refuser cette évidence sous-tendue par le droit est l’expression d’une ingérence intolérable.” C’est à mon sens une évidence. J’ai souvent noté chez les Chrétiens de l’arrogance — voire de la condescendance — envers le judaïsme, arrogance et condescendance généralement à peine conscientes d’elles-mêmes. Non ! Le christianisme n’est pas un papillon tandis que le judaïsme serait une chrysalide. Et je me garderai pour l’heure d’évoquer l’islam, ce jeune venu qui s’efforce de jouer au plus fort en faisant souffrir Juifs et Chrétiens. A ce propos, le rapprochement entre Juifs et Chrétiens face à un danger commun, l’Islam, ne doit pas pousser de côté de qui a été. Bien au contraire : il doit inciter à l’étude infatigable les raisons théologiques — et historiques — de tant de violences chrétiennes envers le peuple juif. C’est une entreprise stimulante, un voyage passionnant et inquiétant, comme tout voyage passionnant.
    ■ ‟Pour Israël, Jésus est un faux prophète au même titre que Sabbataï Tsevi. Il ne remplit pas les conditions requises pour prétendre à la messianité. Seul Israël est dépositaire de la Loi de Moïse et des textes prophétiques annonçant l’ère messianique. A ce titre, c’est lui et lui seul qui doit désigner le messie. Prétendre apprendre aux Juifs à lire correctement leurs textes est un abus de droit, une erreur de jugement et signe une vanité démesurée.” Je ne ferai aucune objection à la deuxième partie de cette appréciation. Que des Chrétiens puissent prétendre que les Juifs ne lisent pas correctement leurs propres textes — qu’ils n’y voient pas ce que nous chrétiens y voyons ; autrement dit, qu’ils sont aveugles — n’est que vanité abyssale. Et le christianisme n’est pas venu accomplir le judaïsme.
    La première partie de cette proposition m’a sauté aux yeux car, je le redis, je me suis remis à l’étude du sabbataïsme qui m’a permis de découvrir et d’étudier la vie et l’œuvre du rabbin Jacob Emden. Les tensions messianiques sont d’une extraordinaire puissance au sein du peuple juif ; elles expliquent en partie son génie et son énergie. Ce constat étant posé, je me permets de dire, avec le nécessaire recul, que Jésus qui n’est pas le messie pour les Juifs reste pour eux un rabbi qui véhicule le génie du peuple juif, un rabbi emprunt de la sagesse des Pharisiens (les Pharisiens que le christianisme s’est employé à fustiger au cours des siècles avec un entêtement coupable), un sage juif parmi tant d’autres sages juifs. Et je suis certain qu’Arnold Lagémi place Jésus le Juif de Galilée bien au-dessus de Sabbataï Tsevi et du cerveau de ce mouvement, Nathan de Gaza. Et je ne parlerai pas de celui qui s’est prétendu la réincarnation de ce messie, Jacob Frank !
    ■ ‟En désignant le messie en la personne de Jésus, le Christianisme s’est substitué au peuple juif dont il a usurpé la place, le rôle et la mission.” Arnold Lagémi met l’accent sur une question qui me préoccupe depuis longtemps, à savoir cette dichotomie entre Jésus le Juif de Galilée et le Christ, le Christ qui m’apparaît comme une création théologique. Je vois depuis longtemps une fêlure — pour ne pas dire un gouffre — entre JÉSUS et le CHRIST. Aussi la dénomination JÉSUS-CHRIST me paraît-elle suspecte, un montage idéologique. J’aime profondément Jésus ; le Christ et Jésus-Christ sont d’intéressants sujets d’études. La théorie de la Substitution constitue quant à elle un véritable coup de force contre le judaïsme, l’un des plus formidables coups de force de l’histoire de l’humanité — un pronunciamiento.
    Par ailleurs, le Juif reste plus ou moins confusément un déicide pour les Chrétiens : le Juif a tué leur Dieu. Relisez les Évangiles, tous les Évangiles : les Juifs ont réclamé la tête de Jésus et le brave Ponce-Pilate l’a condamné à mort bien à contre-cœur après s’être lavé les mains. Comprenez : les Juifs étaient déjà si puissants qu’ils purent dicter leur volonté à l’occupant romain. Je ne force pas la note et je ne remue pas de “vieilles histoires” — les “vieilles histoires” nous précèdent. Il y a une archéologie du ressentiment.
    ■ ‟Théologiquement, le rapprochement est par essence impossible, parce qu’il n’y a qu’un seul peuple Juif, mandataire de la Providence.” Remarque très intéressante qui renvoie aux remarques de Jacob Emden sur les lois noachiques offertes aux non-Juifs. Je publierai prochainement un article sur ce rabbin allemand du siècle dit des Lumières.
    ■ ‟Restent les accommodements collatéraux qui confirmeraient, sinon la convergence doctrinale, du moins la volonté réparatrice. Au cours des siècles passés, le Christianisme dans son ensemble a fait subir aux Juifs diverses exactions qu’il a tenté d’effacer par un pardon sans effet et un Concile fébrile mais tout aussi vide d’initiatives concrètes.” Lorsque je fais remarquer que les plus grandes tueries de Juifs ont eu lieu en terres diversement chrétiennes (catholiques, protestantes et orthodoxes) ont me prend pour un provocateur, un petit polémiste voire un judéophile névrosé. Or, je ne cherche en rien à régler des comptes ou à m’ériger en petit juge. Simplement : il n’y a pas de lien de cause à effet entre le christianisme et la Shoah ; mais il impossible de nier qu’un certain climat entretenu par la chrétienté a contribué à élaborer un terreau (le mot est de Georges Bensoussan et je n’en vois pas de mieux approprié) dans lequel le nazisme (qui est négation du christianisme) a pu prendre racine. Et il m’est particulièrement odieux de lire ici et là que les Juifs cultivent la victimisation. Les Juifs ne se plaignent pas. Ils aiment analyser et comprendre. Et ils invitent ceux qui le veulent à réfléchir en leur compagnie.
    ■ ‟La réparation des crimes et exactions n’est pas une aumône quémandée avec humilité, c’est une demande de restauration du droit. Soutenir la fraternité judéo-chrétienne sans le préalable de la réparation, c’est mépriser et nier l’enseignement des prophètes.” La réparation, bien sûr. Je connais le mot ‟réparation” en hébreu ; je le dis non sans fierté car mon lexique hébreu se limite à quelques mots. Mais j’en reviens au sujet. La repentance a un double visage, c’est pourquoi je l’observe de très près. Elle peut jouer avec l’émotion : larmes et arrêt sur image. Regardez-nous ! Nous sommes si beaux, ennoblis par la repentance ! Et je sais que l’Église catholique-apostolique-romaine et l’appareil du Vatican savent y faire. Et je ne ne nie pas pour autant les efforts sincères de de membres de cet appareil religieux. Mais c’est dans le tête-à-tête, loin des médias et des gestes spectaculaires, que la réparation se fera. C’est par la réflexion obstinée, aidée par l’esprit prophétique, que la réparation se fera. Mon plus secret désir est que l’esprit d’Israël —l’esprit prophétique — aide la chrétienté. Jésus était un prophète d’Israël, un prophète admirable parmi d’autres prophètes admirables tels que nous les enseignent les textes antiques.
    ■ ‟Maintenir des symboles odieux et indignes comme la « synagogue aveugle » de la cathédrale de Strasbourg, c’est sous-entendre l’échec de Vatican II et confirmer une permanence doctrinale qui a éliminé Israël.” J’ai reproduit cette sculpture, ‟La Synagogue aveugle”, dans un article sur Elie Benamozegh et sur ce blog même. C’est un symbole odieux, je l’ai dit et je le redis. Mais que faire ! Faut-il l’ôter à l’ensemble sous peine de porter préjudice à l’unité architecturale de cet ensemble ? Afin de s’éviter de couteux travaux, je propose une demi-mesure : mettons un bandeau (en tissu) sur les yeux de ‟L’Église triomphante”. Plus sérieusement, ce symbole devrait rester en place afin d’inviter les regards à réfléchir sur l’immense et coupable prétention de l’Église envers les Juifs.
    ■ ‟Tergiverser sur le statut de Jérusalem, capitale d’Israël, est une des expressions du refus chrétien de reconnaître la permanence de l’Élection d’Israël.” Cette remarque m’émeut particulièrement. Jérusalem doit rester réunifiée sous la protection des Juifs. Je l’affirme pour des raisons pragmatiques autant que spirituelles. Pragmatiques d’abord. Les pèlerins, toutes religions confondues, ne seront jamais aussi bien protégés que si Jérusalem est juive. Spirituelles ensuite. Jérusalem doit faire partie intégrante de l’État d’Israël et en aucun cas être divisé. Je ne vais pas me perdre en arguments sur la question, c’est l’un des points de mon credo : Jérusalem est juive et doit le rester. Et permettez-moi d’ajouter qu’un chrétien qui n’est pas sioniste n’est pas plus chrétien qu’un chrétien qui cherche à convertir les Juifs. Comprenne qui voudra et à bon entendeur, salut !

Laisser un commentaire