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J’ai reçu chez moi, en esprit ou en chair un vieux fils de St Dominique, venu m’annoncer la bonne nouvelle. Celle-ci jetée sur la mer, qui, face à nous,  devenait insolente par le vacarme croissant de ses vagues, avait soudain pris un air de défi que, par nature et, en cette saison, elle laissait pour d’autres. Elle avait compris qu’elle serait citée à comparaître dans ce qui n’était pas procès mais lui ressemblait !


Ce vénérable Dominicain commença à chercher le juste ton. Son propos était hésitant, et l’incessante remise en question du souffle de  son débit trahissait le trouble que sa confession provoquerait. Du moins, en était il sûr ?


« Nous vous avons protégé d’un mal implacable ! » Il commençait à m’agacer en démarrant son parcours par cette insupportable vanité. Il vit, à la dureté de mon regard qu’il m’importunait. Aussi fit-il volte face en amorçant une non moins insupportable digression. Je compris plus tard, qu’il avait commençait ainsi sa confession.



« Savez vous pourquoi, les Juifs sont protégés de la folie ? » La question m’amusa et je répondis :  « Oh ! J’en connais quelques uns qui sont passés,  tout de même ! » « Je ne parle pas du risque de maladie, je ne pense qu’au danger de la bascule. Vous savez, ce mouvement qui vous entraîne vers l’enfer et vous persuade de la proximité des délices, au moins de l’apaisement ! Perdre le contact avec sa famille par exemple est toujours un bien, au départ ! On divorce toujours pour le mieux ! En en route, c’est souvent la folie qui nous attend !

Pourquoi rupture serait folie ? Et, pourquoi vous est-elle épargnée ? Parce que, la folie, c’est croire qu’on peut vivre seul ! C’est croire en l’Homme. C’est admettre qu’en moi, il y a de quoi y pallier ! La folie c’est croire que l’homme est la fin de l’histoire ! Regardez ceux qui ont basculé, les Sartre, les Camus, ils ne peuvent vivre que SEULS, fous en un mot !


Vous les Juifs, vous avez compris qu’un père, une mère sont intouchables, par principe. Et très tôt vous avez appris à vous prémunir de la folie ! Comment ? En développant une idée qui fait le régal des psy. Faire de l’amour, une obligation : « Tu aimeras etc…. Vous sentez bien qu’il y a là derrière quelque chose d’immense. Vous voyez votre mère ou évoquez son souvenir, vous sentez l’amour ! Et bien vous ne serez adulte que si vous vous sentez obligés !



C’est là le rempart contre la folie, parce que toutes les folies ont l’amour pour  point de départ. Et vous avez été les seuls à proclamer la supériorité du devoir sur le sentiment. Dans toutes vos relations, « Tu feras, tu accompliras…. » L’obligation, toujours l’obligation ! Vous êtes les seuls à comprendre que l’amour seul ne se satisfait,  que la main sur la nuque ! Vous seuls avez compris, que mêler le devoir au sentiment, renforce celui-ci !


En Occident que vous avons-nous offert ? La certitude  que les belles histoires d’amour finissent toujours  mal. Que l’amour seul est le piège des déments,  parce que s’aimer, c’est offrir ce qu’on a de meilleur et, vous seuls avez compris que ce qu’on a de meilleur c’est nous-mêmes, l’amour et le reste.


Enfin, vous êtes immunisés par la folie que porte l’amour, car vous avez compris que s’aimer n’est ni « se regarder dans les yeux ou dans la même direction », mais avouer, reconnaître, hurler, jusquà en faire jaillir des sanglots d’enfant : « Tu m’es nécessaire !» Nous on l’a dit mais on n’a pas su le faire, et nous avons perdu la raison. »


Vous, vous avez su vous humilier, en condamnant la solitude, même à deux. Et cet amour qu’ignore Julyett, Héloïse, vous lui avez donné la forme d’une injonction, être obligé d’aimer, sans contrainte, en donnant à l’objet aimé le pouvoir d’ordonner, (mettre en ordre)


Vous risquez tout sauf la folie, parce que vous savez que l’amour seul tient la plus petite place !


La mer s’était assagie, apaisée, calmée. Les propos du vieux moine avaient rendu presqu’accueillantes ses vagues, encore bouillonnantes, que je fixais avec la certitude que leur paix apparente pouvait tuer. En prenant mon sac de plage, je me mis à rire, parce que l’amour de la mer a tendance à prendre toute la place. Je le confonds souvent avec la liberté!

C’est Victor Hugo qui, dans un accès de folie affirma : « Homme libre, toujours, tu chériras la mer ! »

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