Tant dans la Déclaration Balfour de 1917 que dans le plan de partage voté par l’ONU en 1947 ou dans le texte de la Déclaration d’Indépendance de l’Etat d’Israël, conçu et proclamé par David Ben Gourion le 14 Mai 1948, le caractère « Juif » de l’Etat d’Israël est affirmé. Rien ne permettait de supposer, jusqu’à ces tout derniers temps, que les détracteurs du sionisme pousseraient l’audace jusqu’à contester, le « caractère juif » indissociable de l’Etat d’Israël, ainsi affirmé par son père fondateur « ….proclamons la fondation de « l’Etat Juif » dans le pays d’Israël qui portera le nom d’Etat d’Israël. » Réalité niée 114 ans après le 1er Congrès sioniste, 97 ans après la Déclaration Balfour, 64 ans après le plan de partage et 66 ans après l’Indépendance d’Israël !
Quelle réalité abrite donc cette exigence qui n’est manifestement pas une requête de nature politique, puisqu’elle concerne la spécificité juive adoptée puis « accomplie » par le Christianisme. Les adversaires de « l’Etat Juif » restent discrets sur leurs motifs, arguant que l’opposition de fond reste l’incompatibilité de la confrontation entre, d’une part le caractère Juif d’Israël et la présence d’Arabes. Sans expliquer en quoi cette présence est incompatible. Comme si le problème ne se poserait pas si la patrie juive s’appelait seulement Etat d’Israël ! Il semblerait donc que, seul, le caractère « juif » de l’Etat d’Israël contrarierait l’exercice de libertés ou de droits des minorités vivant en Israël. Les Juifs ont révélé le monothéisme au monde. Ses prophètes lui ont enseigné le juste et le bon. Mais cela ne suffit pas à justifier la persistance de la spécificité juive et surtout sa légitimité !
Qu’est ce qui est donc contestable dans l’identité de l’Etat Juif et empêcherait la cohabitation avec des représentants d’autres ethnies ? On retrouve là une des plus solides craintes inspirées par les Juifs et ancrées en Occident (et en Orient) depuis le règne de Constantin, premier empereur romain converti au christianisme. A savoir : la renaissance de la Nation Judéenne qui signifierait la fin de l’exclusivité chrétienne et, par extension, du principe de transfert du religieux vers la laïcisation, confirmerait la déconfiture de l’impérialisme d’Occident et de sa culture. La rivalité entre Judaïsme et Nouvelle alliance étant la nature du rapport entre ces deux doctrines, la victoire de l’un signifiant la déchéance de l’autre. La permanence de la « synagogue aveugle » à la cathédrale de Strasbourg demeurant une des confirmations de cette funeste réalité.
Pour appréhender ce que cache cet effroi, qui, apparemment se poursuit de nos jours encore, il faut définir ce qu’est « l’Etat Juif. » mais surtout, il faut comprendre ce que cela veut dire pour une mentalité étrangère. Parce que 65 ans après la proclamation de l’Indépendance de l’Etat Juif, demander la suppression de la particularité juive, c’est à l’évidence ressortir une carte qu’on gardait bien précieusement pour une utilisation qui clôturerait la partie. Pour clarifier, la différence est grande entre Etat d’Israël et Etat Juif. Le premier terme implique une définition qui peut recouvrir une essence exclusivement spirituelle. L’Eglise ne prétend-elle pas être le « nouvel Israël ? » Tandis qu’ « Etat Juif » renvoie à l’histoire terrestre de la Judée. Un Juif, Yéhoudi, étant littéralement « un homme de Judée ».
L’Etat Juif, curieusement désigné ainsi par ses fondateurs, c’est-à-dire impliquant des référents de nature religieuse, par des hommes et des femmes qui se disaient athées, est, probablement un des points les plus étranges de l’histoire du sionisme, car « cet Etat Juif » renvoie à l’acceptation de toute l’histoire du peuple et, par conséquent, à sa philosophie rédemptrice. Définir Israël par Etat Juif, c’est affirmer une histoire dont on se veut, consciemment ou pas, le continuateur.
Qu’on accepte ou qu’on condamne cette réalité, la nature du contentieux est religieuse. La connotation métaphysique de la revendication reste entière venant de l’Eglise, par exemple, dont on comprend mieux pourquoi la désignation de la terre juive, ne sera jamais résolue par « Etat Juif » ou même « Etat d’Israël » mais par « terre sainte » Admettre « l’Etat Juif » c’est reconnaître que le peuple Juif poursuit une histoire qui écarte définitivement la participation de la Nouvelle alliance.
Et lorsque des non Juifs athées réclament la suppression de la spécificité juive, cela n’atteste pas d’une évidence qui détruirait ma démonstration, mais témoigne de la laïcisation du procédé religieux, habitué à redouter la Nation Juive ! On sait depuis toujours que cette Nation est dangereuse, quand bien même on le proclamerait sans se référer à des données religieuses. Le processus de laïcisation de la dangerosité de la Nation Juive était déjà consommé en 1789 quand Clermont Tonnerre lançait : « Tout pour les Juifs, en tant qu’individus, rien pour les Juifs, en tant que Nation. » N’est-ce pas là, déjà nier la spécificité juive de la Renaissance judéenne éventuelle ?
Ce désir qu’Israël se défasse de son caractère Juif reste l’expression majeure de la volonté assimilatrice. Un Etat pour les Juifs qui serait l’Etat d’Israël ne soulèverait que peu d’objections. Un Etat des Juifs qui ne renoncerait pas à sa vocation mettrait en danger la civilisation occidentale parce que celle-ci est prisonnière d’une conception orthodoxe de la vérité. Vouloir que disparaisse ce caractère Juif, c’est imposer à Israël de renier son héritage et sa culture. C’est vouloir qu’il soit tout sauf lui-même !
Il est quasi surréaliste de voir les politiciens israéliens indifférents à la défense des valeurs de la Tradition d’Israël, se battre pour le maintien du caractère et de la spécificité juives dont les particularités vont, précisément, à l’encontre de leurs convictions affichées.
Mais Israël est-il maître de son destin ?
[…] source : arnoldlagemi […]