Arnold Lagémi

Depuis 1948, le signe majeur, essentiel et déterminant  de l’histoire juive reste avant toute autre considération,  une accélération  singulière des phénomènes  constitutifs de cette histoire. En effet, du Moyen âge à la première moitié du XXème siècle, l’histoire juive semblait dirigée par « une humeur versatile, répétitive,  dont l’animosité à son égard était le trait essentiel et, qui s’atténua avec  le cataclysme concentrationnaire et l’échec de la « solution finale. »

Prises au hasard, ces années d’exil restent semblables les unes aux autres. 1432 ou 1455 opposées à 1644 ou 1702, ne traduisent pas une variation notable de l’espérance juive. On observera, toutefois, que l’Inquisition s’effaça avec la chute de l’Ancien régime et que, l’Emancipation de 1791 engageait un processus qui,  conjugué à l’espérance sioniste,  clôturait une période pour en inaugurer une autre.

Le réveil de la conscience politique avec Herzl,  restera le facteur déterminant de cette accélération qui catalysa autour d’elle, toutes les séquelles qui, depuis des siècles entravaient le Renouveau. Dreyfus, le nazisme, restent les derniers soubresauts, d’une civilisation moribonde qui,  en dépit de la force résiduelle de l’antisémitisme, ne peut opposer à la Rédemption nationale d’Israël,  qu’une velléité superficielle,  impuissante à circonscrire et maîtriser la déferlante sioniste, nouvelle donne accompagnant le Réveil Juif.

L’accélération brutale et surprenante des évènements ne prendra pas fin avec l’espérance première du sionisme qui reste le retour à la terre et à la Nation. Le sionisme reste, pour la conscience juive,  la force indestructible du Retour à soi. En ce sens, il ne saurait s’éteindre dès les bases de l’Etat Juif,  assises et reconnues.  Il poursuit son chemin, passe des étapes, et surmonte des écueils,  comme poussé par une force qui le dépasse et qui s’identifie, peut être, avec le Destin d’Israël.

Dans cette perspective, la considération nostalgique du « temps des pionniers » pourrait être malsaine,  car elle figerait une période qui n’est qu’une étape, qu’un relai, en vue et, dans l’attente d’une autre escale,  tout aussi essentielle que les précédentes ou celles qui suivront. Il n’y a pas de doute que cette « page pionnière » de l’histoire contemporaine d’Israël est close. En surgit une autre, inattendue, imprévue, dont la survenue a échappé aux supputations des experts et qui est celle qu’on pourrait nommer sans grand risque d’erreur, « le temps des prouesses ! »

Membre à part entière des puissances dont la voix compte, Israël est en train de composer les attributs de sa  nouvelle gloire. On pensait Israël exclusivement compétent dans sa relation avec l’ineffable,  mais l’Etat Juif est en train de composer une page singulière et originale,  qui participe d’une des approches du sionisme et qui, tout en donnant l’illusion qu’elle s’éloigne des prophètes,   rejoint la spiritualité hébraïque,   par une connaissance approfondie des secrets du monde que viennent  concrétiser les progrès spectaculaires dans les avancées technologiques, les progrès de la médecine, ou les moyens les plus sophistiqués de la défense.

Habitués à une définition inexacte de la rédemption, le monde et les …Juifs eux-mêmes,  ont longtemps vécu dans l’illusion que le peuple Juif était seulement spécialiste  des relations verticales. Les nations médusées découvrent que les talents et vertus cachés d’Israël s’appliquent également à des domaines de la connaissance,  habituellement réservés aux non Juifs, athées de surcroît.

Vraiment, les prouesses sont assises là où se tenaient les Pionniers. Cette succession était dans « l’ordre des choses » La mort du père ne prive pas de l’héritage. Encore faut-il aux enfants la volonté d’être à la « hauteur » du capital !  N’oublions pas que c’était la « vocation pionnière » qu’il en soit ainsi.  Que sera la nouvelle étape ? Celle que nous mériterons !