A un très cher souvenir,
Je voulais t’adresser ce courrier en privé mais, compte tenu, de la tension entre toi et un certain courant catholique, des mauvais raisonnements qui te sont opposés, j’ai décidé de te l’envoyer « publiquement », en espérant que tu ne l’élimineras pas. Auras-tu le courage de le publier et d’évoquer un pan de ta vie que tu souhaites peut-être dissimuler ? J’ai opté pour le pseudo, car devenue fonctionnaire, j’aurais de sérieux ennuis si je révélais mon identité.
Nous étions en première. Toi chez les Jes (Jésuites) Moi, chez les Sœurs à côté. Oui, c’est moi, qui avec deux copines faisions le mur, le soir, moi pour …te retrouver, mes copines pour m’accompagner et m’aider à t’apporter bouquins et confiseries que tu réclamais. Tu souris, tu ris même, j’en suis sûre, ! Oui, c’est moi. Tu te rappelles ton fou rire quand tu me disais que ma queue de cheval donnerait un air de conquérant barbare au Supérieur ? Que de fois, j’ai eu envie de te revoir. Alors, il m’arrivait de traîner, près du lycée où tu enseignais à Versailles. Parfois, je t’apercevais, et j’avais mal dans la poitrine, tellement mon cœur battait fort. Bon, je ne t’écris pas pour exhumer un cadavre !
Arnold, (ça me fait drôle d’écrire ton prénom) tu connais l’Eglise. Tous les copains et copines étions persuadés que tu quitterais Alger pour le grand séminaire à Paris, là où l’on envoyait les « huiles ». Le père aumônier des Jes voyait pour toi un avenir brillant au sein de l’Eglise. Nous l’avons revu très malade. Il t’aimait beaucoup et disait que Lustiger t’avait pris la place. Il nous le disait, surtout, pour qu’on te le répète. Tu connais l’Eglise, ses routes, ses avenues et ses impasses. Tu repères à mille lieux, les mauvaises casuistiques, la dialectique foireuse des Pères quand ils n’ont pas ou plus de réponse. Alors, pourquoi cet acharnement ? Tentes-tu une revanche ? Elle ne servirait à rien. Et pourquoi ? L’apprendre aux autres ? Ils le découvriront par eux-mêmes.
Tu sais que jamais l’Eglise ne bougera réellement. C’est dans sa nature. Vatican II est un argument politique. Personne n’y croit. De notre temps, déjà tu affirmais ne pas vouloir vieillir. Mais au point d’enfoncer le clou dans du vide (comme tu aimais le faire quand on avait seize ans) car tu sais que ton combat ne servira à rien. Parce que tu dis vrai et jamais l’Eglise n’acceptera de le reconnaitre. Tu vois bien les réponses qui te sont faîtes. Un analphabète y verrait le coup bas ! Alors, comme on dit aujourd’hui, lâches l’affaire. Tu as mieux à faire non ? Par contre mets en garde contre la conversion. Car même sans baptême, l’objectif est de rester sous influence.
Bien sûr que tu as raison quand tu dis que l’Eglise n’avait pas le choix, et que son adhésion aux théories progressistes n’a rien à voir avec la Bible mais reste fonction de son adaptation au monde moderne. Toi, tu sais contre qui tu te bats, alors tu veux sortir vainqueur mais, tu ne le seras pas et tu le sais. Tu sortiras de là, brisé. La cause que tu défends, à la veille probable d’un conflit te préfère, prêt et prompt à des réactions salutaires, plutôt qu’à te voir embourbé dans des conflits d’où tu émergeras fourvoyé.
Bonne route. C’est fou ce que tu as compté pour moi.
Queue de cheval
Bonjour « Queue de cheval », bonjour Arnold,
Je ne crois pas avoir rien lu de plus juste sur le sujet « Arnold et l’Eglise… » que ce court texte de vous « Queue de cheval » ; alors… un immense merci à vous, démultiplié à l’infini, comme placé entre 2 miroirs.
Vous qui connaissez si bien Arnold, vous savez à l’évidence qu’il lui faut coûte que coûte faire entendre sa raison, car elle est en fait « la raison » ; Arnold vise juste dans ses raisonnements et en particulier dans celui ici évoqué mais, vous avez 2000 % juste dons votre réponse ! Et Arnold n’est pas dupe et j’espère bien qu’il ne « prêche » pas dans le désert ; bien sûr que l’Église et ses représentants (pour le plus grand nombre) ne feront et n’exprimeront jamais que des faux-semblants politiques et vicieux. Mais -et vous en êtes une merveilleuse preuve parce que vous avez été en capacité de raisonner par vous-même- si ce qu’écrit Arnold permet de faire réfléchir et s’interroger les nombreux « individus » (je pourrais presque écrire « un-dividu ») sincères qui peuvent ainsi donner leur vraie place aux dogmes d’un autre âge pour aujourd’hui ne les considérer que comme des contes de fées (ou de sorcières), avouez qu’il n’aura pas perdu son temps.
A titre personnel, je suis bien convaincue et vécu depuis toujours-et j’ai déjà eu l’opportunité de l’écrire à Arnold- que seuls les individus peuvent se rapprocher, créer des liens sincères et discuter « coeur à coeur » en toute amitié ; au-delà, c’est en effet peine perdue d’autant qu’il faut bien le reconnaître : plus de dogmes, » plus d’Église au sens qu’elle s’est allouée dès le début de sa « rafle ».
L’Église n’est pas seule dans son cas ; elle a un dangereux émule avec lequel un jour ou l’autre, elle devra combattre en un duel terrible ; c’est sans doute l’une de ses « bonnes raisons » politiques actuelles de « dos rond à la matou ronronnant ».
Encore un grand merci « Queue de cheval » pour votre émouvante sincérité, votre franchise et votre lucidité ; je ne serai certainement pas la seule admiratrice d’Arnold à apprécier.
Et aussi, merci à Libellule et à Arnold : ni l’une ni l’autre du genre à se défiler !
Shalom à chacune et chacun.
Aviva
Bonjour Aviva,
En fait j’ai perdu de vue Arnold depuis la Terminale. Sûr que sa raison devait être la raison. Mais il savait dire quand il exagérait. Il se taisait et l’on comprenait. Je l’ai connu quand il était en seconde. Il ne supportait pas les Jesuites tout en reconnaissant leur valeur et leur talent. Ce qui le conduisait à s’opposer souvent à eux, n’étaient pas raisons religieuses ou arguments théologiques, c’était le mépris, la morgue, avec lesquels ces aristocrates de l’intelligence traitaient qui n’était pas Chrétien.
Vous êtes son « nouveau monde », aidez le à ne pas tomber dans le piège de l’échange. Derrière ses allures assurées, cet homme est très fragile. C’est la raison pour laquelle il est dur. Mais les Jes sauront exalter l’enfant fasciné qui est toujours là.
J’ai cru comprendre que les fils de St Ignace sont tombés sur un coriace qui a potentialisé les stratégies et tactiques d’attaque.
Il lui arrivait parfois de faire le mur et, copains et copines, on se retrouvait à l’écouter dans un petit bistrot douteux. Vous savez de quoi il nous a entretenus un an, presque chaque soir: du génie de…Machiavel.
Je vous embrasse toutes et regrette de ne pas faire partie de votre monde.
PS/ Je crois le connaître, en dépit du temps qui passe. J’ai lu (et oui, on le lâche pas facilement) certains articles de lui. Je pense pouvoir dire à Aviva qu’il vous écrit comme un débiteur écrit à son créancier, comme s’il vous devait. Quoi ?????
Queue de Cheval
Un grand bonjour Queue de cheval ! Juste pour vous dire que je viens de vous lire et que j’ai bien des choses préciser, à échanger ; cependant, je vais remettre @+ tout simplement parce que je suis sur un départ d’une « longue semaine » et que je ne tiens pas à « bâcler ma copie » ; vous imaginez sinon … être punie tout un dimanche matin !
Bons prochains 10 jours.
Aviva
Chose promise, chose due… re-bonjour Queue de cheval !
J’adore les chemins de traverses, les petites « départementales » au détour desquels on découvre à l’improviste des pépites, quelquefois minuscules, d’autres fois extraordinaires. C’est tout aussi vrai au figuré qu’au sens propre. Si je fais un court flash-back depuis ma toute petite enfance jusqu’à ce jour (il s’est tout de même écoulé près de 71 années…), je suis bien obligée de reconnaître que j’ai été gâtée et que la « récolte » est enviable.
Arnold (pas seulement !) fait partie des pépites extraordinaires ; d’autant que nous ne nous « connaissons » que depuis peu en fait et virtuellement, simplement au travers de nos échanges « sites/blogs » ou plus personnellement « courriels ».
Rien à cacher, Annie est parfaitement au courant.
Queue de cheval, connaissez-vous beaucoup de personnes capables d’empathie, sincères, sensibles à leurs proches, à leur entourage, au monde qui les entoure et dans lequel elles vivent qui passent miraculeusement au travers de ce que vous appelez de la « fragilité » ?
A chacun dans ce cas de trouver les moyens d’échapper à la folie. Le choix est vaste et les exemples heureusement très nombreux.
Si j’ai bien compris, Arnold (adulte) a choisi, tant que cela lui a été possible, l’action en priorité ; ensuite, la « parole écrite » qui dans son cas reste de l’action. C’est pour lui -sauf erreur- une absolue nécessité et je crains ( j’espère même) que personne ne puisse l’en empêcher. Dans le cas particulier qui vous a faite réagir, sauf erreur toujours, il me semble qu’Arnold est parfaitement lucide quant aux résultats à ne pas attendre d’en haut mais, pire, quant aux méfaits de certains serpents (per) siffleurs ; ce n’est pas une raison suffisante pour se taire et au contraire une excellente pour mettre en garde ceux qui n’ont pas votre chance de savoir de l’intérieur et votre capacité à réfléchir, analyser et peser.
Seriez-vous au « Ministère de l’Economie et des Finances » ? Débiteur… créancier… soyez rassurée Queue de cheval, aucune dette entre Arnold et Aviva ; simplement une confiance et un respect réciproques. Des parcours éminemment différents mais des compréhensions très proches.
Ce que vous ressentez tient au seul fait d’une perception aigüe d’Arnold de ce que doit être l’amitié et là encore nous nous comprenons ; mais si la personne à laquelle vous faites ce cadeau (Aviva en l’occurrence) n’est pas capable de comprendre les moments de difficultés qui conduisent à une courte parenthèse… où est l’amitié précisément ? C’est bien vous qui avez parlé de « fragilité » et que je comprends « sensibilité ».
Dernière chose pour ce soir et pas la plus simple : « faire partie de son nouveau monde » ou « faire partie de -votre- notre monde » ! Ça se complique… je ne suis pas du tout sûre de ce qu’il convient d’entendre ; peut-être songez-vous au fait que nous soyons, Arnold, Aviva et d’autres de confession juive ? Alors, très sincèrement, je suis tout autant ravie que vous regrettiez de n’en être pas que je suis heureuse que vous soyez d’une confession encore plus rare : celle de l’intelligence du coeur ;
rare par les temps qui courent mais qui ne connait aucune des frontières inventées par l’Homme.
Au fait… Machiavel fait toujours partie de ses favoris… en dehors d’Annie , de Noa et de quelques autres !
Queue de cheval, croyez-vous que notre « penseur » fragile et dur nous répondra ? Pour l’heure, je suis comme vous, je l’entends rire et peut-être qu’en plus il s’amuse bien ! Comment pourrait-on le lui faire payer ?
Annie pourrait nous être d’une aide précieuse sur le sujet… J’espère qu’elle lira.
Bonne semaine Queue de cheval et surtout, n’hésitez pas à revenir ici ou ailleurs ; il n’y a qu’un monde pour la sincérité. Vous y êtes « super » bien venue !
Aviva