Arnold Lagémi

Pourquoi faut-il avoir appris à aimer de Gaulle,  au sens le plus ultime de l’amour qui n’est pas l’aveu d’une « même direction  » mais la reconnaissance d’une dépendance: « Tu m’es nécessaire » pour devoir ensuite arracher jusqu’aux racines mêmes de cet amour ?

Quand il fut attesté,  que le cultiver, devenait l’exaltation de l’anti sionisme. Oui, de Gaulle, son épopée, sa grandeur, ses écrits,    tout ce qui a donné consistance et référence à mes trésors d’enfant et d’adolescent et qui s’intégraient si bien  dans mes amours, il fallait donc les extirper d’une conscience douloureuse, troublée et violentée.

Et puis le temps a passé, entraînant avec lui ce qui me restait de stupéfaction pour le Chef de la France Libre. Pourquoi faut-il s’être préparé à une adhésion sans condition, assimilée dès l’enfance à l’affection, pour se rendre compte qu’on n’a, même pas été méprisé, par l’objet de cet amour ?  De Gaulle s’est fourvoyé en faisant semblant d’ignorer la place de la Judée dans les rêves Juifs. Car repousser au nom du mépris, c’est reconnaître l’autre. Mais « oublier »! Certains oublis ne sont-ils pas négation de l’autre? « Oublier  n’est-il pas une des formes les plus délicates de la mise de côté : ne plus compter dans la mémoire de l’autre ! Oui, les Juifs de France, et leur amour d’Israël n’ont pas pesé beaucoup dans la décision ! Mettre en doute la légitimité du Retour historique, c’est souligner la vocation universelle des Juifs s’opposant au particularisme !

La Croix de Loraine, « l’Appel du 18 Juin », le « rétablissement de la République » et même « l’Algérie Française » devenue Algérienne, j’ai défendu tout cela avec l’ardeur du militant, l’affection du Servant et l’effroi respectueux pour le Chef providentiel, etc… Je n’ai jamais envisagé de m’être trompé! Qui prend le parti des cimes, a peu de risques d’être contredit.

Rien n’est, cependant, autant dévastateur que la volonté de ne pas remettre en question! Jusqu’à ces dernières années, c’tait le cas. J’avais, cependant, en son temps, rendu ma carte de membre de l’UJP (Union des Jeunes pour le progrès, les jeunes gaullistes, dès l’annonce de l’embargo des armes à destination d’Israël. Mais je restais gaulliste et gaullien.

Et puis, hasard ou pas, je fus confronté à la fameuse Conférence de Presse  où de Gaulle abattit ses cartes. Evoquant l’achat par les organisations sionistes de terres aux Arabes, de Gaulle prononça son réquisitoire que je ne voulus pas entendre avec MES oreilles mais seulement avec quelques résidus d’affection, erzats d’une cécité qui fit le vide autour d’elle.

Période d’incantation, de digestion qui initiait un processus de mise en doute qui me plongea dans un trouble majeur, quand, nier n’était plus envisageable sans se déshonorer et imposait cette vérité à la douleur si aïgue qui m’interpelait plus qu’elle ne s’interrogeait sur,  ce en quoi je croyais encore: « Le général de Gaulle rempart de mes seize ans, bouclier des mes faiblesses et artilleur de mes aveuglements, était l’initiateur d’une politique qui, à court terme délégitimerait le Renouveau sioniste.  Sa conférence de presse s’assimilant à la remise de lettres patentes à la lutte palestinienne, accompagnée de l’anathème  sans concession du sionisme.

Ma déconvenue fut douloureuse. Avoir été dans les années d’apprentissage sous l’influence d’un tel géant, m’a familiarisé ,cependant,  avec la culture de la Résistance et, dans bien des domaines, si mes récoltes sont suspicieuses, je les préfère tout de même aux moissons de naïveté.

Le souvenir de l’épopée altéré par la position gaullienne sur le sionisme, n’enlève rien à ce dépassement, que la grandeur et « une certaine idée de soi » ont facilité et permis. Intégrer l’apport gaulliste, comme valeur universelle, revitalisée par l’Etat Juif,  restera la victoire d’Israël, tout en confirmant  l’échec, la carence et l « l’épine dans le pied »  de l’illustre fondateur de la Vème République !