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Adolescent j’ai fait plusieurs « séjours » à l’abbaye Notre Dame de l’Atlas, à Médéa, près d’Alger. Ses occupants étaient des moines trappistes qui se singularisaient, entre autres, par l’observance d’un silence total, ne réservant la parole qu’à la prière. La vie y était rude et la discipline spartiate.  Ces moines demeuraient dans des petites cellules. Eté comme  hiver, les vêtements n’étaient pas plus chauds ou légers. Toute leur vie était partagée entre les travaux des champs, la prière et l’assistance aux populations arabes avoisinantes.


Pour  « remercier », les sept moines qui se  dépensaient sans limite au bénéfice des populations arabes, ils furent… égorgés.

A  mon dernier séjour, j’avais 17 ans. C’était l’année où l’Algérie devint indépendante.  Dès mon arrivée, rendue possible dans un engin  blindé français, le père Abbé, Maître absolu, me remit un livre : « Fils de rabbin, père d’apôtres » Il s’agissait d’un ouvrage sur le Père Ratisbonne, un des fondateurs de l’Ordre, Notre Dame de Sion, dont le père fut effectivement rabbin et qui y expliquait les raisons qui le conduiront à la conversion !

Je me rappelle que le lendemain matin de mon arrivée correspondait au jour choisi par le général de Gaulle pour évoquer le destin de l’Algérie. Accompagné par le Père Aumônier, je traversai un étroit couloir menant à la chapelle. Ne voulant rien perdre de l’allocution présidentielle, je tenais mon petit poste de radio à transistors collé à l’oreille. Nous croisâmes un très vieux moine. Arrivant à sa hauteur, le vieux, le très vieux trappiste s’agenouilla et récita une longue « tirade » en latin.


J’interrogeais du regard le père aumônier. Je devais être terrifié, tant le Père me transmettait, presque sans interruption des signes d’apaisement. Le vieux moine se leva et disparut dans l’obscur couloir. Le père aumônier me fournit alors une bien singulière explication. « Ce moine est entré dans les Ordres à l’adolescence. Il n’est pas loin de ses cent ans. Il n’a jamais vu de radio. Il a donc récité les prières de l’exorcisme ! » Nous sortîmes par une porte étroite qui, stupeur, donnait sur un ensemble de plantations, toutes malveillantes : des orties, des chardons et autres caprices douloureux :

« Père, pourquoi ces horreurs juste là ! » Le père aumônier, fut pris d’un rire fou et bruyant : « Il arrive que le démon visite les jeunes novices, sans prévenir. Et lorsqu’il tente de les soumettre à la tentation, pas d’autre choix possible. Le novice ôte sa soutane et se roule dans ce tapis ! Plus de tentation, crois moi et pour longtemps »


Puis il me conduisit dans la vaste bibliothèque et me montra un magnifique « service à tonsure » que l’empereur Napoléon III, en visite avec l’impératrice Eugénie, avait offert au monastère.

Souvenirs éblouissants où je découvris le silence, le vrai, celui qui permet d’entendre les pulsations du cœur. Notre Dame de l’Atlas !  Souvenirs émus de l’humanisme chrétien, quand  le père Abbé me chuchota, une fois,  à l’oreille, avant de retourner à la chapelle : « Puissions nous obtenir le pardon d’Israël ! » Et sa voix se mêla à celles des moines. Ce magnifique chant grégorien résonne toujours en moi, mêlé dans mon souvenir à cet espoir de pardon

Une Réponse à “La vie monastique telle que je l’ai connue ! Par Arnold Lagémi”

  1. J’ai oublié de préciser la cohérence de ces moines avec la Doctrine Catholique. Ils ne dissimulaient pas l’importance stratégique du prosélytisme, priorité théologique. La fraternité ne s’encombrait pas de l’emballage démagogique. Leur engagement monastique ne les dispensait pas d’être hommes et d’assumer un héritage que certains portaient, parfois avec honte mais sans le masquer par une « fausse affection »

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